Fiscalité du numérique : une taxe nationale serait se "tirer une balle dans le pied", selon le CNNum

Politique : Dans son avis sur la fiscalité du numérique, le Conseil national du numérique conseille clairement d’éviter une taxation nationale et spécifique de ce secteur car jugée inefficace et contre-productive sur le plan de la négociation internationale à mener pour lutter contre l’optimisation fiscale.

Voilà une actualité qui tombe à pic pour le Conseil national du numérique qui remettait ce matin son avis sur la fiscalité du numérique : selon BFM, Facebook ne déclare en France que 2,5% de son chiffre d’affaires réel, avec pour conséquence un montant bien faible d’impôt sur les sociétés acquitté auprès de l’administration fiscale (191 133 euros en 2012).

Cette révélation sur le réseau social « illustre bien qu’aujourd’hui nous sommes arrivés à une situation d’érosion fiscale particulièrement critique, et qui touche véritablement tous les secteurs » a commenté en préambule le président du CNNum, Benoît Thieulin.

"Une fiscalité spécifique nationale serait nous tirer une balle dans le pied"

Mais la réponse à cette érosion, de l’avis du Conseil, ne passe pas par la mise en œuvre d’une fiscalité spécifique sur le numérique (taxe sur la publicité, les terminaux connectés, les clics, l'e-commerce...). En tout cas à un niveau exclusivement national. C’est en effet un des quatre axes de recommandations du CNNum, et celui qui fera sans doute le plus débat car pouvant donner le sentiment de l'immobilisme.

Godefroy Beauvallet, son vice-président, et le responsable du groupe de travail fiscalité s’en explique : « Nous avons considéré qu’il était inefficace de mettre en place aujourd’hui en France ce type de taxes et que ce serait prendre un risque dans la négociation pour un gain fiscal extrêmement limité et un risque d’image pour la France important. »

Ainsi, au terme de la concertation, le CNNum a estimé que les entreprises visées par les différentes propositions de taxation étaient finalement les plus susceptibles de s’y soustraire. Mais, et surtout, le Conseil préconise de « donner la priorité à la négociation » à l’échelon international et européen afin de définir, de manière concertée, des mesures et « adapter la fiscalité à la transformation numérique. »

« Une fiscalité spécifique nationale serait nous tirer une balle dans le pied dans cette négociation » juge à ce titre Godefroy Beauvallet, qui se défend néanmoins de toute « naïveté ». « L’idée de parvenir à une position unanime de l’ensemble des nations sur la fiscalité du numérique est évidemment peu vraisemblable » reconnaît-il.

Contrôler et sanctionner l'optimisation fiscale "agressive"

Pour autant, citant à plusieurs reprises l’exemple de la taxe Tobin - qui n'est pas encore une réalité -, les représentants du Conseil estiment qu’une négociation et une concertation sont les plus susceptibles d’aboutir. A condition cependant que la contribution de la France se fasse sur le fond, et ce grâce notamment aux arguments apportés par les centres académiques français (diagnostics, études d'impacts, simulations, etc.).

Mais ce prêche en faveur de la négociation n’est-il pas surtout le plus sûr moyen pour le industriels du numérique de repousser la perspective d’une contribution fiscale ? Non réfute le CNN pour qui la phase de négociation n’exclut pas d’autres actions, qui font l’objet d’un deuxième axe de recommandations : renforcer la transparence et les contrôles.

Le conseil préconise par exemple au niveau national de multiplier les contrôles et de sanctionner les pratiques agressives, comme la double exonération par exemple. Mais attention, « contrôle, cela ne veut pas dire punition » ou « trucs de cowboy » assure Godefroy Beauvallet. Et ces contrôles sont aussi envisageables à l’international via notamment des « task force » et des « contrôles coordonnés. »

Fiscalité oui, mais aussi une "stratégie industrielle numérique "

En matière de transparence, le CNNum recommande entre autres de tester l’authenticité des déclarations de certaines entreprises vantant leur volonté de collaboration à la rénovation de la fiscalité – et qui tiennent souvent uniquement de la communication.

« Prenons-les au mot. L’aune à laquelle on mesurera cette coopération c’est de participer à de la simulation, à de l’ouverture de données, à l’élaboration coopérative. Et si elles ne coopèrent pas, au fond cela démontrera l’absence réelle de volonté de contribuer » précise le responsable du groupe de travail fiscalité.

Enfin, quatrième et dernier axe de recommandations : la mise en place d’une stratégie industrielle numérique européenne. A première vue (seulement), la question de la fiscalité semble ici secondaire et occultée au profit d’un nième plan pour le numérique. Histoire de ne pas associer uniquement le secteur à des pratiques fiscales prédatrices et de se projeter à plus long terme au travers de la notion de « transformation numérique » ?

Christophe Auffray

Source : http://www.zdnet.fr/actualites/fiscalite-du-numerique-une-taxe-nationale...