E-santé en France : il y a urgence !


La France, qui s’est toujours distinguée par la qualité de ses politiques de santé, devrait plus que jamais montrer l’exemple en matière d'e-santé. Mais il n’en est rien, regrette Arnaud Gobet, président du pôle de compétitivité Medicen Paris Région et du groupe Innothera

"Vous pouvez additionner autant de diligences que vous voudrez, vous n’obtiendrez jamais un chemin de fer !". Cette formule, très connue, est celle de Joseph Schumpeter, un économiste autrichien de la première moitié du XXème siècle.

Lucide sur son temps, ce grand penseur savait que le monde issu de la seconde révolution industrielle – marqué par l’influence de l’électricité et de la production mécanique – ne serait plus jamais le même ! Révolue, donc, la diligence et son élégance désuète et surannée. Place au chemin de fer, à la vitesse, à la science et au progrès ! Le monde avait changé ; il fallait s’adapter.

la croissance du secteur e-santé reste encore timide

C’est dire si le parallèle est tentant avec la situation que nous vivons aujourd’hui. Confrontés à un monde qui change, nous devons redoubler d’efforts pour nous approprier les nouveaux outils de cette troisième révolution industrielle, Internet et son cortège de nouvelles technologies.

A cet égard, les politiques de santé de font pas exception. De la télésurveillance médicale aux nouveaux objets connectés en passant par la robotique, on peut dire que l’e-santé propose de nombreux projets innovants.

Et pourtant, selon deux études publiées par la Commission européenne la semaine dernière, la croissance du secteur reste encore timide. A ce jour, seuls 9% des hôpitaux européens permettent aux patients d’accéder à un dossier médical en ligne. Si les médecins sont quant à eux plus nombreux à utiliser les outils de santé en ligne (60%), de nombreux progrès restent encore à accomplir.

La France, qui s’est toujours distinguée par la qualité de ses politiques de santé, devrait plus que jamais montrer l’exemple. Mais il n’en est rien ! Si des initiatives ambitieuses ont déjà été adoptées, à l’instar du plan Télémédecine (2010), du programme Hôpital numérique (2013) ou du projet Territoires de soins numériques 2013, il faut aujourd’hui aller plus loin. Car dans l’évaluation de la Commission, "la France se situe juste en-dessous de la moyenne européenne" en matière d’e-santé.

Une situation inacceptable

  • Inacceptable parce-que l’e-santé apparaît comme un enjeu majeur dans l’amélioration de la santé des patients au quotidien et dans l’optimisation des parcours de soin.
  • Inacceptable, également, parce que la santé numérique pourrait contribuer à résoudre l’équation si difficile de résorption des déficits budgétaires et d’investissements stratégiques dans la filière santé.
  • Inacceptable, enfin, parce que la France, qui s’est toujours illustrée par sa capacité d’innovation, se trouve aujourd’hui dépassée.

C’est dire l’urgence de prendre exemple sur les bonnes pratiques développées, ici et là, par nos partenaires. Au Danemark, la totalité des pharmaciens et 92% des médecins généralistes utilisent un dossier médical électronique. En Espagne, la mise en place de nouvelles solutions de télésanté, à travers le programme Diraya a permis de réduire de plus de 15% les visites chez le médecin généraliste et a généré une économie de 253,3 millions d’euros. Le Japon, enfin, a investi dans le développement les robots intelligents pour soutenir les personnes âgées, un projet qui pourrait rapporter plus de 3 milliards d’euros selon les autorités nippones !

Schumpeter, en définitive, savait que le progrès n’est pas nécessairement la somme de savoirs antérieurs, mais qu’il se manifeste davantage dans la rupture, dans l’exploration de nouvelles manières de penser et de concevoir le monde.

La France a des atouts, mais ces atouts ne sont pas éternels. Il est grand temps aujourd’hui de "tout changer pour que rien ne change !" et de réinventer une nouvelle politique de santé.

Arnaud Gobet, président du pôle de compétitivité Medicen Paris Région et du groupe Innothera
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