Les Compagnies d'assurances face au défi des objets connectés

Chaque jour apporte son lot de nouveautés et le doute n'est pas permis : l'avenir sera connecté ! De la montre à la voiture en passant par la maison, d'ici quelques années l'individu génèrera en permanence des données concernant sa propre vie et ses habitudes. Une manne pour les assureurs, désireux de connaître au mieux leurs assurés.

Les objets connectés, et surtout les données qu'ils collectent sur l'utilisateur pourraient donner aux compagnies d'assurance les moyens de tout savoir sur leurs assurés. Une évolution qui soulèverait de nombreuses questions concernant le principe de mutualisation des risques et le respect de la vie privée.

Une évolution déjà amorcée

L'assurance connectée n'est déjà plus une vue de l'esprit mais une réalité : aux Etats-Unis, les contrats " pay as you drive " existent déjà. L'assuré accepte qu'un boitier soit installé dans sa voiture. Ce " mouchard " renseigne la compagnie d'assurances sur le nombre de kilomètres effectivement roulés, ce qui permet un ajustement de la cotisation de l'assuré. En France, Allianz a également lancé un contrat " pay as you drive " et se lance également sur le marché de la maison connectée, en offrant un détecteur de fumée connecté avec l'un de ses contrats assurances habitation. Quant au géant Axa, à l'été 2014 il a équipé pendant quatre semaines 1000 de ses assurés de bracelets connectés. Les volontaires ont accepté que leurs données de santé soient collectées et analysées à des fins de " prévention médicales ". Activité physique, temps de sommeil ou encore taux d'oxygénation du sang, Axa a eu accès à des informations très privées et les a utilisées pour récompenser par des chèques cadeaux les assurés au comportement jugé " vertueux ", c'est-à-dire qui marchaient plus de 10 000 pas par jour, ainsi que le recommande l'OMS.

Utiliser les données pour sanctionner les mauvais comportements

Vraisemblablement, les compagnies d'assurance sont déjà en train d'axer leurs stratégies de développement de façon à ne pas rater le virage du big data. " Les initiatives en la matière sont encore un peu balbutiantes mais nous sommes à un moment clé. Les assureurs sont attentifs à toute nouvelle démarche, à l'image de ce qu'a récemment fait Axa, déclarait récemment Maud Schnunt (Responsable assurances des personnes et affaires européennes du GEMA). L'utilisation des objets connectés va conduire les assureurs à gérer leurs risques différemment".

Si les données sont pour le moment utilisées pour valoriser les comportements jugés " vertueux ", c'est-à-dire ceux qui réduisent le profil risque de l'assuré, rien n'empêcherait à terme les compagnies d'assurances de sanctionner les comportements à risques. Ainsi, l'automobiliste à la conduite trop nerveuse ou l'assuré qui ne fait pas assez de sport dans la journée pourraient voire leurs cotisations réévaluées à la hausse. Cette personnalisation et cet ajustement quasi en temps réel du contrat d'assurance iraient bien sûr à l'encontre du principe de mutualisation, qui veut que les risques, et les cotisations, soient lissés entre tous les souscripteurs d'un type de contrat. " La mutualisation des risques est un principe fort en assurance, remarquait Maud Schnunt du GEMA. L'utilisation des objets connectés par les assureurs pourraient conduire à de nouvelles offres et de nouveaux services plus personnalisés. Si l'on veut préserver les fondamentaux de l'assurance, et donc le principe de mutualisation, il faudra trouver un juste milieu sans excès d'individualisation".

Assuré hyper-connecté ou hyper-surveillé ?

La capacité à générer des données et à les exploiter va devenir un enjeu concurrentiel essentiel pour les compagnies d'assurances. Cependant, cette exploitation d'un flux permanent de données personnelles pose la question de la protection de la vie privée. Contrairement à des entreprises comme Facebook, qui traitent les informations en masse et de façon anonyme pour en tirer par exemple des statistiques, les compagnies d'assurance ont besoin de traiter les données en lien direct avec l'assuré à qui elles appartiennent. Les données que l'utilisateur accepte de partager via ses objets connectés sont loin d'être anodines et il est important d'avoir des garanties quant à l'utilisation qui en sera faite. Conscientes des risques de dérives, les compagnies d'assurance ont récemment travaillé avec la CNIL pour se doter d'un cadre baptisé " pack de conformité ". Elles savent que les consommateurs ne laisseront passer aucun dérapage et prennent les devants, comme l'analysait dans une interview Stéphane Grégoire, chef du service des affaires économiques de la CNIL : " (...) L'industriel compte sur cette politique de transparence pour avoir une meilleure image. En ce sens, la protection des données devient un avantage concurrentiel ".

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