Les objets connectés transforment le secteur de l’assurance

On les présente comme le nouvel eldorado technologique. Le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, en a d’ailleurs fait une des priorités de son plan pour l’industrie du futur, présenté en mai dernier : le développement des objets connectés. Vitrine de l’avancée de la France dans le secteur, François Hollande vient d’inaugurer la Cité de l’objet connecté, à Angers, vendredi 12 juin.

Et s’il y a un secteur qui s’intéresse de près à ce nouveau business des objets intelligents, c’est bien celui de l’assurance. « Ils sont une formidable opportunité pour les assureurs car cela leur permet de vendre de nouveaux services », explique Dimitri Carbonnelle, expert en objets connectés auprès de Bpifrance. Harmonie Mutuelle et Inter Mutuelles Téléassistance sont d’ailleurs actionnaires de la Cité.

Bons de réduction pour les gros marcheurs

L’année dernière, Axa a testé l’opportunité que pourraient représenter les objets connectés auprès d’un échantillon d’assurés. Aux volontaires, l’assureur français a offert un boîtier connecté du fabricant Withings, avec lequel il a conclu un partenariat. Les plus gros marcheurs ont empoché des bons de réduction pour des séances de médecine douce. La démarche s’inscrit dans une logique de prévention. « Nous encourageons nos assurés à devenir acteurs de leur santé », affirme-t-on chez Axa.

La motivation est évidemment stratégique et économique. Car plus l’assuré est en bonne santé, moins il coûte cher à son assurance. Pour inciter les assurés à mener une vie sans excès, rien de tel qu’un objet connecté, capable de transmettre en temps réel à son propriétaire ses données d’activité, telles que son rythme cardiaque, le nombre de calories brûlées ou encore les kilomètres parcourus.

« C’est une véritable “protection sociale co-active” qui pourrait émerger et qui reposerait sur une logique préventive plutôt que curative », analyse la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL), dans une étude publiée l’année dernière. Reste encore à savoir si les assurés les moins vertueux pourraient être, d’une manière ou d’une autre, sanctionnés.

Tarifs variables

En France, les données santé issues des objets connectés permettent principalement aux assurés d’obtenir des avantages « en nature », et ne donnent pas lieu à des contreparties financières, comme ce qui a récemment été expérimenté aux Etats-Unis.

En avril dernier, John Hancock est devenu la première assurance américaine à faire varier le prix des primes de ses assurés en fonction de leur activité et de leur mode de vie. Le tout grâce à un bracelet connecté Fitbit, offert aux clients du nouveau programme « Vitality ». Les données transmises à l’assureur lui permettent de savoir quand et à quelle fréquence l’assuré fait du sport, va chez le médecin et s’il se préoccupe de la qualité de son alimentation ou non.

Les clients les plus sains gagnent des points, convertis en réductions sur leurs primes de risques, pouvant aller jusqu’à 15 %. Un tel système financier modulable en fonction de la santé des assurés n’est, pour l’heure, pas envisageable en France, conformément au strict encadrement de la collecte et de l’exploitation des données sensibles, établi notamment par la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978.

Mais la course à l’objet connecté n’est pas réservée au secteur de l’assurance santé. Les assureurs habitation et automobile ont également profité du filon, conscients de l’opportunité qui se présentait à eux. Un créneau d’autant plus facile à prendre que les données liées au logement et à l’automobile sont moins sensibles que celles relatives à la santé. Aussi, l’assureur auto Direct Assurance est-il en train de tester YouDrive, une nouvelle offre dans laquelle le tarif des primes varie en fonction de la conduite de l’assuré. Construit sur le modèle émergent du « Pay How You Drive », le système fonctionne grâce à un boîtier intelligent, connecté à une application mobile (YouDriveLite). Disposé à l’intérieur du véhicule, le boîtier enregistre et analyse des données de conduite telles que le niveau de freinage ou encore l’anticipation des virages.

Risque d’« uberisation »

Avec ce système, un bon conducteur pourra réduire sa facture mensuelle jusqu’à 50 %. A l’inverse, un chauffard pourra voir sa note augmenter jusqu’à 10 %. « Le secteur de l’assurance s’oriente vers un système de primes de plus en plus personnalisées », analyse Dimitri Carbonnelle.

Mais si l’exploitation croissante des objets intelligents par les assurances est pour ces dernières un moyen d’améliorer leur rentabilité, cette évolution pourrait se retourner contre elles. « Pour les assurances, le risque d’uberisation est réel car les fabricants d’objets connectés récoltent beaucoup d’informations sur les usagers. Ils pourraient à leur tour être en capacité d’évaluer le risque en matière d’assurance », affirme M. Carbonelle.

Les rôles seraient ainsi inversés, l’assureur classique passant du statut d’exploitant d’objets connectés à celui de sous-traitant, au service de l’entreprise qui fabrique ces objets. Dans une analyse publiée en février dernier, l’institut d’études de marché GFK a estimé à deux milliards le nombre d’objets connectés vendus en France, à l’horizon 2020.

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