Logiciel : les éditeurs français engrangent des bénéfices record

Les 100 premiers éditeurs français cumulent croissance solide et bénéfices en nette progression. Seule ombre au tableau : la faible valorisation de ces sociétés qui peut les pousser à passer sous pavillon étranger.

Le Truffle 100, le classement des 100 premiers éditeurs de logiciels en France réalisé par le fonds Truffle Capital et le cabinet d’études CXP, se porte bien. Très bien même. Pourtant, quelques événements récents, comme l’OPA amicale de deux fonds américain et britannique sur Cegid, le passage de GFI, une SSII mais aussi un gros éditeur de logiciels pour les collectivités locales, sous pavillon quatari ou la cession de Morpho (qui avait racheté l’éditeur Dictao) au Britannique Smiths Group, laissent un goût d’inachevé à cette 12ème édition du classement.

Globalement, les 100 premiers éditeurs français voient en 2015 leur chiffre d’affaires cumulé progresser de 9 % en un an (à 12,8 milliards d’euros, 7,5 pour la partie édition seule). C’est mieux que la croissance enregistrée l’année dernière (+ 6 %). Surtout, sur ce cru 2015, la progression du marché n’a pas profité qu’aux leaders, la part du top 10 dans le chiffre d’affaires global du Truffle 100 recule d’ailleurs de 2 points en un an, à 65 %. Autre signe intéressant : alors que le 100ème éditeur de la précédente édition ne réalisait que 7,2 millions d’euros en ventes de logiciels, le dernier de cette année (Clip Industrie) en totalise 9,2. Seuls trois éditeurs du dernier classement réalisent encore moins de 10 millions d’euros. « Et l’année 2016 devrait être également dynamique. Les perspectives positives dominent chez les dirigeants des éditeurs », assure Bernard-Louis Roques, directeur général et co-fondateur du fonds Truffle Capital (actionnaire principal de NetMediaEurope, l’éditeur de Silicon.fr).

1,2 milliard de bénéfices… autant en R&D

Sans surprise, Dassault Systèmes continue à dominer le classement de la tête et des épaules, étant à lui seul plus de 5 fois plus gros que son dauphin, Sopra Steria. Notons que la SSII de Pierre Pasquier, présente dans les logiciels bancaires et les RH, classe aussi dans le top 10 sa spin-off Axway (5ème du classement). Profitant de la restructuration de Cegedim – qui recule de deux places, au 4ème rang, du fait de la vente de sa division CRM et données stratégiques à IMS Health -, Murex s’empare de la troisième place du podium, porté par une solide progression de son chiffre d’affaires.

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Au-delà de ces mouvements, l’édition 2015 du classement est aussi marquée par une remontée des bénéfices. Les profits cumulés des 100 premiers éditeurs français frôlent 1,2 milliard d’euros, contre moins de 600 millions en 2014. « Il y a des effets conjoncturels comme la restructuration de sociétés qui perdaient de l’argent (Cegedim passe ainsi d’une perte de près de 200 millions à un bénéfice de 67 millions, NDLR), explique Bernard-Louis Roques. Mais on assiste aussi à la mise en place d’une dynamique vertueuse. Dans le Saas, une large part des investissements a déjà été consentie dans les deux dernières années et la croissance actuelle de ce segment tire les résultats des éditeurs. Sur le modèle de ventes de licences, les éditeurs peuvent freiner leurs investissements, alors que le stock de maintenance reste important. » Au total, les 100 premiers éditeurs français ont consacré 1,18 milliard d’euros à leur R&D, 15 % de plus qu’en 2014. Et près de 3 éditeurs sur 4 n’envisagent pas de délocaliser cette activité centrale dans leur modèle économique. Les effectifs R&D représentent 15,7 % du total des emplois des 100 premiers éditeurs hexagonaux (un total de 107 000 postes environ).

Proies à bon prix pour les fonds US

Voilà pour les bonnes nouvelles. Reste la face un peu plus sombre, qu’illustrent les récents mouvements capitalistes touchant les n°6 (Cegid) et n°9 (GFI) du Truffle 100 : le financement. « C’est indéniable qu’on entre dans une période un peu trouble sur ce terrain, analyse Bernard-Louis Roques. Les marchés boursiers n’ont pas suivi la tendance positive qui porte les éditeurs. Et ces derniers se trouvent sous-valorisés. » Les effets sont multiples. D’abord la bourse ne joue pas le rôle de relais de financement qu’elle est censée tenir. Le Truffle 100 ne compte plus que 25 sociétés cotées, contre 33 il y a quatre ans. Ensuite, cette sous-valorisation peut créer des effets d’aubaine, les fonds américains trouvant dans l’Hexagone des proies à bon prix comparé à leur marché domestique, note le co-fondateur de Truffle Capital, qui cite le cas de Cegid. « Les PER (Price Earning Ratio, ratio boursier exprimant le nombre d’années de bénéfices auxquels est valorisée une société) dans le logiciel en France est inférieur aux niveaux observés pour le CAC 40 », s’étonne Bernard-Louis Roques.

Pour ce dernier, un redressement de la situation pourrait passer par deux mesures immédiates. Primo, une redéfinition des sociétés éligibles au PEA PME – qui, contrairement à ce que laisse entendre son appellation, est ouvert aux grands groupes -, « afin de focaliser ce mécanisme sur les sociétés de croissance ». Secundo, des mesures « incitant ou contraignant les assurances vie à investir 1 ou 2 % de leurs capitaux dans ces mêmes sociétés ». Le directeur général de Truffle Capital se veut toutefois optimiste : « l’arrivée en bourse de Wallix et de Witbe sont deux bonnes nouvelles. Même si, structurellement, les investisseurs en France présentent une aversion aux risques bien supérieure à ce qu’on connait aux Etats-Unis, ils devraient finir par s’intéresser à ce type de valeurs dans un environnement où les taux d’intérêt sont devenus négatifs et où la croissance économique reste atone. »

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