Big Pharma et géants tech veulent utiliser la blockchain dans l'e-santé

Pour IBM, Phillips, Microsoft et les labos, la technologie derrière le bitcoin permet de sécuriser les données sensibles de santé et améliorer la transparence du secteur.

Peu d'annonces publiques ont filtré sur le sujet mais les acteurs de la tech et de la santé commencent bel et bien à tester discrètement la technologie blockchain. Son caractère immuable et ses propriétés de sécurisation séduisent le secteur, tant pour protéger l'accès aux données de santé que pour améliorer la traçabilité et lutter contre la fraude.

Les essais cliniques, par exemple, font déjà l'objet de projets utilisant la blockchain. "Il arrive que les données des tests soient falsifiées quand les résultats espérés ne sont pas là et c'est un gros problème, note Cécile Monteil, médecin et consultante pour la start-up française spécialisée dans la technologie blockchain Startumn. La blockchain peut permettre de tracer les étapes de l'essai et de l'auditer." Deux professeurs de l'Université de Cambridge ont par exemple lancé un POC (proof of concept) sur le sujet en adaptant la blockchain au site britannique qui recense les essais cliniques, ClinicalTrials.gov.

Traçabilité des médicaments

En termes de traçabilité, la blockchain pourrait aussi être utilisée pour auditer facilement les boîtes de médicaments et savoir d'où elles viennent pour éviter le trafic. "Reste à savoir si la technologie blockchain fonctionnera mieux que le QR code, qui est aujourd'hui déjà utilisé, si les deux cohabiteront etc.", note Cécile Monteil.

Le médecin évoque d'autres applications possibles. Concernant le financement du système de santé, par exemple. "En France, les factures sont complexes car il y a plusieurs modes de remboursement, et c'est encore plus compliqué en cas de réclamation. La blockchain pourrait aider à tracer la facture de soins pour un audit plus simple, rapide et efficace et permettrait de faire des économies de traitement." Dans le domaine du don d'organe, les contrats intelligents sur la blockchain pourraient aussi faciliter les mises en relation entre donneurs et receveurs "puis envoyer un message aux hôpitaux concernés".

Redonner aux patients le contrôle sur leurs données

L'épineux sujet du dossier médical partagé est aussi soulevé. L'utilisation de la blockchain permettrait non pas de stocker des tonnes de données de santé, mais d'ajouter une couche de technologie à une base de données centralisée pour en gérer l'accès. "Par exemple, en le soumettant à un concept de multi-signatures, raconte Cécile Monteil. Le patient pourrait autoriser son médecin à accéder à son dossier pour une durée donnée grâce aux smart contracts, puis leurs deux signatures ouvriraient les données à un autre spécialiste."

Philips, qui a annoncé l'ouverture d'un blockchain lab sans en révéler les travaux, a tout de même dévoilé travailler avec la start-up Tierion, qui trace l'évolution des dossiers médicaux des patients pour faciliter leur audit. Dans le même esprit, la start-up Blockchainhealth permet aux patients de partager leurs données avec des chercheurs puis trace, grâce à la blockchain, l'utilisation qui en est faite. Aux Etats-Unis, la start-up spécialiste de la blockchain Factom a noué un partenariat avec l'acteur de santé HealthNaturica pour améliorer la traçabilité de tous ses documents, des factures médicales aux échanges ou réclamations entre médecins et patients.

Si la plupart des applications ne sont encore que des pilotes, nombreux sont les acteurs qui commencent à étudier la technologie. "Outre les start-up, des grands groupes comme IBM, Microsoft ou Philips travaillent sur le sujet, assure Cécile Monteil. Et les Big Pharma commencent aussi à s'y intéresser : Stratumn reçoit des demandes de rendez-vous de leur part pour les aider à se lancer et à créer des POC." La start-up française va d'ailleurs bientôt annoncer un projet dans la santé. Des avancées qui pourraient pousser le régulateur à se pencher lui aussi sur la question pour cadrer une technologie encore loin d'être stable.

Source : Le Journal du Net